Plaidoyer

Une proposition de démarche collective pour le respect des droits fondamentaux à la frontière franco-britannique.

Sommaire

Démarche à la frontière


La démarche de paidoyer actuelle de la PSM se décompose en trois grands axes qui font l’objet de groupes de travail spécifiques :

  1. La co-construction de propositions avec les personnes exilées;
  2. L’historique critique des politiques publiques mises en œuvre à la frontière franco-britannique pour nourrir nos propositions;
  3. La construction d’alliances avec des acteur.trice.s ayant un ancrage local pour défendre ces propositions.

Sortie des rapports


PSM-Rapport-OnTheBorder-image
Rapports de P. Bonnevalle et M. Lotto

Le 4 février 2022, la Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s a publié deux rapports d’enquête.

Dans le premier rapport intitulé "Enquête sur 30 ans de fabrique politique de la dissuasion - l’État français et la gestion de la présence des personnes exilées dans la frontière franco-britannique : harceler, expulser, disperser", le politologue Pierre Bonnevalle, analyse la reproduction d’un échec coûteux et inefficace.

Le deuxième rapport a été réalisé par l’anthropologue Marta Lotto avec une démarche novatrice : enquêter auprès des personnes exilées bloquées aux portes du Royaume-Uni. Avec le titre "ON THE BORDER - la vie en transit à la frontière franco-britannique. Rapport d'enquête auprès des personnes bloquée aux portes du Royaume-Uni", l'autrice y restitue les réflexions, les analyses et les perceptions des personnes interrogées.

Pour la synthèse des rapports :

Les rapports sont aussi disponibles en anglais :

Communiqué de presse 4 février 2022


A l’occasion des 19 ans des accords du Touquet et alors que les 27 ministres de l’Intérieur de l’Union Européenne sont réunis à Lille ce 3 et 4 février, deux rapports publiés vendredi 4 février pointent l’échec et l’inefficacité de 30 ans de politiques sécuritaires et répressives à la frontière franco-britannique. Les accords du Touquet, conclus en 2003, visaient à réguler le transit des personnes migrantes en Outre-Manche en renforçant les contrôles au départ de la France.

(Calais, 4 février 2022)

La Plateforme des Soutiens aux Migrant·es (PSM) publie deux rapports ce vendredi 4 février.  Dans le premier rapport intitulé « l’Etat français et la gestion de la présence des personnes exilées dans la frontière franco-britannique : harceler, expulser, disperser », le politologue Pierre Bonnevalle explore 30 ans de fabrique politique de la dissuasion sur le littoral Nord. Il analyse la reproduction d’un échec coûteux et inefficace : « Depuis 1998, au moins 1,28 milliards d’euros ont été dépensés afin d’empêcher les personnes exilées de franchir la Manche, de Dunkerque à Roscoff […] Chaque nouveau traité, chaque nouveau dispositif sécuritaire est construit comme permettant de mettre en adéquation le récit produit par l’État et ce que l’image des traversées en petits bateaux remet en cause : l’illusion d’un contrôle de la frontière. »

Le deuxième rapport a été réalisé par Marta Lotto avec une démarche novatrice : enquêter auprès des personnes exilées bloquées aux portes du Royaume-Uni. Sous le titre « ON THE BORDER, la vie en transit à la frontière franco-britannique », l’anthropologue restitue les réflexions, les analyses et les perceptions des personnes interrogées : « Ce système est fait pour que tu perdes ton temps, tes espoirs, tes meilleures années, c’est tellement injuste… On est perçu comme des criminels, on est traités comme des chiens. Maintenant, il y a bientôt des élections et alors ils nous font partir davantage, la police vient nous contrôler presque quotidiennement. Ce n’est pas humain, ils nous prennent nos affaires, ils sont racistes, c’est leur manière de faire passer le message qu’ils ne veulent pas de nous. Ce n’est pas humain ! Qu’ils me disent où je peux aller pour vivre dignement ! » témoigne une personne interviewée dans le cadre de l’enquête.

Face à l’inertie des pouvoirs publics pour sortir des politiques répressives et inhumaines menées depuis 30 ans, ces deux rapports entendent apporter un éclairage nécessaire à la création d’espaces de dialogue mêlant associations, citoyens, et personnes exilées, pour penser ensemble des solutions respectueuses des droits des personnes exilées, et tenter d’influer enfin sur les politiques publiques. Cette démarche se construira tout au long de l’année 2022 à travers l’organisation de temps de rencontres et débats.

La Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s (PSM) travaille avec un réseau de 30 associations qui intervient à la frontière franco-britannique, dans le Nord de la France. Elle favorise le partage d’informations et d’expériences entre actrices et acteurs de terrain, et aide à former les bénévoles. La plateforme soutient également des actions d’aide juridique pour les personnes migrantes. Elle interpelle et sensibilise les pouvoirs publics et la population française sur leur situation.

Contacts presse :

  • Clara Houin, coordinatrice de la Plateforme des Soutiens aux Migrants, 06 99 47 19 18
  • Tom Le Roux, Responsable communication, MSF France, 06 76 61 97 80
  • Francesca Morassut, Coordinatrice communication et plaidoyer à Human Rights Observers, 06 71 04 23 87
  • Diane Leon, Coordinatrice Programme Nord Littoral, Médecins du Monde, 06 50 37 77 03
  • Nathanaël Caillaux, Chargé de projet Migrants / Accès aux droits-plaidoyer, Secours Catholique Caritas France, 07 72 00 02 53
  • Bénédicte Vacquerel, Déléguée Nationale de la Cimade en Normandie, 07 57 40 54 10

Signataires :

ACCMV, AMIS, ADRA France antenne de Dunkerque, Auberge des Migrants, Collectif Faim aux Frontières, CCFD Terre Solidaire, Emmaüs France, Human Rights Observers, La Cimade, LDH Dunkerque, MRAP Littoral, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières France, Project Play, SALAM Nord/Pas-de-Calais, Safe Passage, SAVE, Shanti, Solidarity Border, Utopia 56

Tribune - 4 février 2022


Février 2003 - février 2022 : mettons fin à la violence et à l’inhumanité

Depuis 30 ans, des hommes, des femmes et des enfants originaires d’Europe de l’Est, de l’Afrique de l’Est, du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud-Est, toutes et tous en recherche de protection, survivent sur le littoral de la Manche et de la Mer du Nord. La plupart de ces personnes exilées présentes sur nos côtes n’ont qu’un seul objectif : franchir - par tous les moyens - la frontière qui se dresse devant elles et qui les empêche de rejoindre le Royaume-Uni.

Il y a 19 ans, le 4 février 2003, à la suite de la fermeture du centre de Sangatte et dans le prolongement du Traité de Canterbury du 12 février 1986, la France et le Royaume-Uni signent le Traité du Touquet. La frontière britannique est externalisée sur le sol français moyennant des financements de la Grande-Bretagne. La France devient le “bras policier” de la politique migratoire du Royaume-Uni pour empêcher les personnes exilées de traverser la Manche.

Sur les côtes françaises, les autorités mettent en œuvre une politique de lutte contre la présence des personnes exilées et d’invisibilisation de celles-ci. Les maltraitances quotidiennes qu’elle implique sont nombreuses : expulsions de lieux de vie, confiscation d’affaires, maintien à la rue en l’absence de services permettant de couvrir leurs besoins fondamentaux, entrave à l’action des associations, etc.

Cette politique n’est pas seulement indigne et inacceptable, elle est également mortelle : au moins 342 personnes ont perdu la vie à la frontière franco-britannique depuis 1999 dont 36 en 2021.

La poursuite année après année de cette politique inhumaine, la répétition de ces maltraitances et de ces drames pourraient nous pousser au fatalisme. Au contraire, nous agissons pour l’amélioration de la situation, pour le respect des droits et de la vie des personnes en exil. C’est dans cet esprit que la Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s, dont nous sommes membres ou que nous soutenons, a demandé à l’anthropologue Marta Lotto et au politologue Pierre Bonnevalle d’enquêter, pour l’une, sur les conditions de vie des personnes en transit[1], et pour l’autre, sur la gestion par les autorités françaises de la présence des personnes exilées à la frontière[2]. Leurs analyses fines nous permettent une compréhension globale de la situation et nous contraignent, nous citoyens, à mettre les autorités face à leurs responsabilités et à leur imposer la mise en œuvre d’une politique alternative.

En effet, Marta Lotto, dans son rapport, nous indique que les raisons pour lesquelles ces personnes sont à Calais, Grande-Synthe, Ouistreham ou, pour d’autres, moins nombreuses, à Norrent Fontes, Steenvoorde ou Cherbourg, sont diverses. Certaines ont démarré leur parcours migratoire avec l’objectif de vivre en Grande-Bretagne ; après un périple de quelques jours ou de plusieurs années, elles se retrouvent bloquées aux portes de leur rêve. D’autres, au contraire, n’ont jamais imaginé aller en Grande Bretagne mais les circonstances de leur parcours les ont conduites aux portes de ce pays, qui est alors devenu le dernier recours face aux rejets auxquels elles ont été confrontées ailleurs en Europe.

Depuis 30 ans, sans cesse, parce qu’elles veulent rejoindre leur famille, parce qu’elles sont anglophones ou parce qu’elles nourrissent de vains espoirs d’accéder à une vie meilleure, des personnes tentent de franchir les quelques dizaines de kilomètres qui les séparent de la Grande-Bretagne. En dehors de la parenthèse 2015-2016, quand le tumulte du monde a poussé plus d’un million de personnes vers l’Europe, et une partie d’entre elles vers la Grande-Bretagne, il y a toujours eu entre 1000 et 3000 personnes en transit bloquées à la frontière.

Et pourtant, ce n’est pas faute, pour les autorités françaises et britanniques d’avoir tenu un discours de fermeté et mis en œuvre une politique de dissuasion. De manière très détaillée, le politologue Pierre Bonnevalle nous révèle que, depuis 30 ans, quels que soient les gouvernements, une seule et même politique est menée : rendre les territoires situés sur le littoral de la Manche et de la Mer du Nord aussi inhospitaliers que possible. Nous avons donc vu pousser des barrières et des barbelés, nous avons appris ce qu’était une concertina, ces barbelés couplés à des lames de rasoir. Nous avons vu des arbres abattus et des maisons murées. Nous avons aussi appris que mise à l’abri pouvait être synonyme d’expulsions violentes, et que la solidarité pouvait être un délit.

Atteintes toujours plus fortes à la dignité, violation des droits des personnes exilées et destruction de l’attractivité de nos territoires sont les seuls résultats de cette politique. Vient s’ajouter le reniement constant et systématique de nos valeurs, celles qui fondent notre vivre ensemble. N’est-elle alors que communication ? Une mise en scène pour montrer que l’État agit ? Mais qu’est-ce qu’une politique qui ne génère que maltraitance et violence ?

Face à ce constat d’un échec flagrant de la politique mise en œuvre à la frontière franco-britannique, face à la violence qu’elle engendre pour les personnes exilées, mais aussi pour toutes celles qui vivent sur ces territoires, nous devons, aujourd’hui, regarder la réalité en face. Pour que ces personnes vivent dans des conditions dignes, pour que nos territoires ne soient plus constellés de campements et de bidonvilles, pour que nos valeurs soient respectées, le paradigme des politiques publiques mises en œuvre à la frontière doit changer. Ces deux rapports, mais surtout les maltraitances qui s’exercent chaque jour sur notre sol, nous incitent à l’exiger.

Pour obtenir ce changement de modèle nous devons, ensemble, engager un dialogue citoyen réunissant l’ensemble des forces vives des territoires du littoral de la Manche et de la Mer du Nord et imaginer, collectivement, une politique respectueuse des droits de toutes et tous.

Nous appelons toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à nous rejoindre pour lancer cette dynamique de convention citoyenne à la frontière franco-britannique.

[1] On the border, la vie en transit à la frontière franco-britannique, Marta Lotto, 2022.

[2] L’Etat français et la gestion de la présence des personnes exilées dans la frontière franco-britannique : harceler, expulser disperser, Pierre Bonnevalle, 2022.

Signataires :

ACCMV, ADRA France antenne de Dunkerque, AMIS, ATTAC Flandres, Camille Louis (philosophe et dramaturge), CCFD Terre Solidaire, Collectif Faim aux Frontières, ECPAT, ECNou, Emmaus Dunkerque, Emmaüs France, Human Rights Observers, La Cimade, La Ligue des droits de l’homme – Dunkerque, L’Auberge des Migrants, Le Cercle de Silence Hazebrouck, Le Planning Familial 62, Médecins sans Frontières, MRAP Littoral, Médecins du Monde, Migraction59, Maison Sésame, Project Play, Refugee Women's Centre, Solidarity Border, Shanti, Salam Nord/Pas-de-Calais, Safe Passage, Secours catholique Caritas France, Terre d'Errance Steenvoorde, Utopia 56.

20 ans des Accords du Touquet - Manifeste 4 février 2023


Traité du Touquet : 20 ans d’accords meurtriers à la frontière franco-britannique

Calais, le 1er février 2023

Le 4 février 2003, les gouvernements français et britannique gravaient dans le marbre l’externalisation des contrôles frontaliers britanniques sur le sol français. Vingt ans plus tard, les accords du Touquet constituent toujours l’un des actes fondateurs, juridiques et médiatiques de la politique migratoire inhospitalière mise en œuvre sur le littoral de la Manche et de la Mer du Nord .

Depuis la signature de ce traité, près de 300 personnes sont décédées à la frontière. De nombreuses autres ont disparu, et des milliers ont été mutilées et blessées. Mais l’accumulation des traités bilatéraux visant à renforcer la frontière, les milliards d’euros dépensés, les chiens, les caméras thermiques, les capteurs de CO2, les détecteurs de battements de cœur, les drones, les avions et hélicoptères, les caméras de vidéo-surveillance, les policiers et gendarmes toujours plus nombreux, n’y changent rien.

Les personnes exilées sont là et continuent jour après jour, nuit après nuit, à prendre tous les risques pour pénétrer sur le territoire britannique.

De fait, nombre d’entre elles y parviennent après avoir subi des violences insupportables. Trop, beaucoup trop d’entre elles y ont perdu la vie.

Alors que faire? Poursuivre aveuglément dans cette voie, et continuer à tuer, blesser, atteindre les personnes dans leur corps et dans leur esprit sans que cela n’ait aucune prise sur les traversées, ou réfléchir à une politique alternative digne et respectueuse des droits humains ?

Lorsqu’une politique échoue systématiquement, qu’est-ce qui justifie donc de la poursuivre indéfiniment ?

Nos associations agissent auprès des personnes exilées bloquées à la frontière franco-britannique ou auprès de celles qui, après des jours ou des mois à Calais, Grande Synthe ou Ouistreham, ont réussi à passer en Grande Bretagne. Elles constatent quotidiennement l’impasse à laquelle ont mené les accords du Touquet. Il est temps d’y mettre fin.

Pour cela nous proposons la mise en place d’un espace de concertation pour concevoir au plus tôt une politique alternative à même d’accueillir les personnes exilées dans la dignité et le respect de leurs droits fondamentaux.

Cette politique se traduirait d’abord par un gel immédiat des expulsions de campements et de squats.

Elle s’attacherait à définir et financer des solutions d’accueil dignes dans tous les lieux où survivent des personnes exilées, de passage, en prenant en considération les spécificités locales et en s’engageant à soutenir les élus locaux hospitaliers.

Ces solutions d’accueil doivent apporter une réponse aux besoins fondamentaux des personnes exilées et faciliter l’accès aux soins physiques et mentaux. Elles doivent garantir l’accès à une information juste, complète et impartiale et un accompagnement individuel de qualité, pour permettre à chacun et chacune de faire des choix éclairés pour la suite de son parcours de vie.

Plutôt que d’externaliser et de militariser les frontières, la Grande-Bretagne, la France et l’Union européenne doivent coopérer pour mettre en œuvre des politiques migratoires plus humaines et ouvrir des voies d’accès sûres et légales.

Cette politique alternative impose que soit mis en œuvre un moratoire sur le règlement Dublin III qui condamne trop de personnes à l’errance et rend illusoire leur intégration en les empêchant de demander l’asile dans le pays de leur choix.

20 ans après leur signature, nous demandons la dénonciation, par les gouvernements français et britannique, des accords du Touquet et de l’ensemble des accords franco-britanniques sur la gestion de la frontière.

Signataires :

ASTI 14, AMiS, ADRA France antenne de Dunkerque, Alternatiba Caen, Attac 14, Association Lire la Suite - magazine Grand Format, Channel Info Project, CAMO, Centre LGBTI de Normandie, Citoyenne.s en lutte Ouistreham, CCFD-Terre solidaire Calvados, Calais Food Collective, Cambridge Convoy Refugee Action Group, Cie noesis, Collectif d' aide aux migrants cambrésis, Collectif Droits des Femmes 14, Debout Ensemble – Angres, Debout Ensemble - Caen, ECPAT – France, Ensemble ! 14, Ensemble ! Rouen, ECNou, Emmaüs France, Emmaüs Caen, Emmaüs Dunkerque, EELV Normandie, FASTI - Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s, Femmes en Noir de Caen, FSU Calvados, Génération.s Calvados, Help4Dunkerque, Human Rights Observers, Itinérance Dieppe, L’Auberge des Migrants, La Libre Pensée du Calvados, Le Comité Amérique latine de Caen, La Cimade, La Comédie de Caen, La KIC-CIP, Le Ballon vert, Le Temps d’un toit, Le groupe d’action Union populaire/LFI de Caen et Hérouville-Saint-Clair, LDH Dunkerque, Maison Sésame, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, Migraction59 plateforme d'hébergement, MRAP Littoral Dunkerquois, NANSEN, Project Play, Refugee Women’s Centre, SOS racisme Basse-Normandie, Solidaires Calvados, Southwark Day Centre for Asylum Seekers, Solidaires Calvados, Secours Catholique Caritas France, Terre d’errance Norrent-Fontes, The William Gomes Podcast, The Joint Council for the Welfare of Immigrants, Terre d'Errance Steenvoorde, Utopia 56 – antenne de Grande-Synthe, Utopia 56 - France, UCL Caen, Union départementale CGT du Calvados, Vents Contraires.