La convention d’accès au droit : en partenariat avec les associations, depuis novembre 2022, le bus d’accès au droit de l’université catholique de Lille, le CNB et les barreaux de Lille et Boulogne sur Mer proposent une permanence avec un.e avocat.e en droit des étrangers à Calais (le CNB finance la venue de l’avocat.e et son temps de permanence depuis novembre 2022 et pour l’année 2023). Cet.te avocat.e a un droit de suite ! Il peut prendre le dossier d’une personne. Cette permanence est prévue dans une convention multipartite, qui reprend des modalités d’une précédente convention qui avait été co-construite en 2016 avec les CDAD du Nord et du Pas de Calais, les associations, les barreaux, l’école d’avocat.e.s de Lille, etc, et qui est maintenant éteinte. Dans le cadre de cette même convention, sont prévues une permanence de seconde ligne téléphonique pour répondre aux questions des associatifs et solidaires. Dans le futur, il y aurait aussi une permanence 1 fois par semaine avec le bus d’accès au droit et un.e avocat.e dans le Dunkerquois. Ce qui est également prévu, c’est l’embauche tous les 6 mois d’un.e élève avocat.e pour soutenir les permanences juridiques également dans le bus juridique. La convention prévoit aussi de la formation pour les avocat.e.s des différents barreaux, mais aussi des associatifs, on vous tient informé.e.s pour les formations prévues
À Calais, la France coupable envers les migrants ? Oui, répond Louis Witter à Didier Leschi
Il m’est arrivé de croiser Didier Leschi. À Calais, bien sûr, fin 2021, lors de la mission de médiation qui lui avait été confiée alors qu’un père jésuite et deux Mulhousiens en signe de protestation, engageaient une grève de la faim. Et lors de débats sur des chaînes d’information. À chaque fois, j’avais été frappé par ses propos qui balayaient les faits d’un revers de la main.
L’ouvrage dont il parle, La battue. L’État, la police et les étrangers, publié le 3 février dernier aux Éditions du Seuil, est le résultat de plusieurs années passées sur le terrain, à la frontière franco-britannique. Une enquête journalistique menée auprès des exilés d’une part, des bénévoles et personnes solidaires d’autre part, mais également auprès des Calaisiens et Calaisiennes. Mais Didier Leschi ne cite pourtant aucun des faits que je rapporte dans mon livre.
Des faits documentés
Son billet suggère en synthèse que mon livre n’est qu’une tribune politique résumée à « tous des nazis ! » Ce faisant, il nie le travail de journaliste, documenté et sourcé que j’ai mené, et décrédibilise la parole des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont témoigné de leur difficile quotidien à la frontière franco-britannique. Il ne conteste pas le fait que les expulsions des campements sont réalisées toutes les 48 heures, quelles que soient les saisons ou les conditions météorologiques. En 2021, près de 1 300 expulsions de ce type ont eu lieu, accompagnées quasi systématiquement de la confiscation et de la destruction de 7 000 tentes et bâches servant aux personnes à s’abriter.
Il ne conteste pas non plus l’existence pendant deux ans de l’interdiction, par la préfecture, de distribuer gratuitement de l’eau et de la nourriture aux personnes qui en ont besoin dans une trentaine de rues de la ville. Il ne conteste pas les verbalisations par dizaines des bénévoles durant les différents confinements. Enfin, Didier Leschi ne conteste pas les violences, souvent dénoncées et parfois condamnées de certains membres des forces de l’ordre sur les exilés ou les bénévoles. En somme, la critique portée par le directeur de l’OFII fait totalement abstraction des faits que j’ai documentés.
Fébrilité de l’État
Le titre même de son billet pose la question : « La France coupable envers les migrants ? » La réponse est « Oui », et ça n’est pas le journaliste qui le dit mais la justice : la France est bel et bien coupable envers les migrants. La CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) l’a condamnée plusieurs fois (ici, ici ou encore ici) pour mauvais traitements. Et la justice française a elle-même condamné le préfet du Pas-de-Calais pour une expulsion menée par ses services en septembre 2020 après s’être affranchi de l’autorité judiciaire.
Dans ce texte, l’auteur m’attribue injustement certains propos que je n’aurais même jamais osé penser. Où lit-il, dans cette enquête, que tous les fonctionnaires engagés à Calais sont de mon point de vue « tous fascistes » ? Dans un enchaînement d’idées, celui-ci sous-entend que je compare la situation à Calais à celle de la barbarie nazie, que je compare les barbelés encerclant le port et le tunnel aux camps d’extermination. Cela est aussi faux qu’intellectuellement malhonnête.
Mais au-delà de la violente négation des faits, qui par ailleurs n’ont jamais été contestés, ce billet de Didier Leschi me semble traduire la fébrilité de l’État sur ce sujet. Durant ces années d’enquête, j’ai à plusieurs reprises sollicité les services du ministre de l’Intérieur, des préfets et sous-préfets pour qu’ils puissent apporter leurs réponses à mes questions, respectant ainsi l’un des fondamentaux du journalisme. Toutes ces demandes sont restées sans suite. Alors comme d’autres confrères et consœurs, je continuerai donc à raconter le quotidien de cette frontière en ne m’imposant qu’une seule contrainte : rapporter les faits.
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À Calais, la France coupable envers les migrants ? Didier Leschi répond à Louis Witter
Billet
Par Didier LeschiPublié le 21/03/2023 à 16:46
Dans son livre, « La battue : L’État, la police et les étrangers » (Seuil), le photoreporter Louis Witter, qui a passé dix-huit mois à Calais (Pas-de-Calais) et Grande-Synthe (Nord), accuse l’État de brutalité à l’égard des migrants. Essayiste et actuel directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), Didier Leschi lui répond.
Il m’est arrivé de croiser Louis Witter. À Calais, bien sûr, fin 2021, lors de la mission de médiation qui m’avait été confiée alors qu’un père jésuite et deux Mulhousiens en signe de protestation, engageaient leur santé dans une grève de la faim. Et lors de débats sur des chaînes d’information. À chaque fois, j’avais été frappé par des propos où le réel dans toute sa complexité s’absentait.
Un propos aujourd’hui condensé dans ce livre qui pourrait être résumé par l’équation suivante : à Calais, élus, fonctionnaires, de droite comme de gauche tous fascistes. Et au premier chef, les ministres de l’Intérieur qui tentent depuis des années de faire face, avec plus ou moins de succès confrontés aux décisions politiques des autorités britanniques, à la volonté de nombre de migrants de traverser coûte que coûte la Manche dans des conditions mettant en jeu leur vie au seul bénéfice des passeurs, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Gérald Darmanin… Ils sont les superviseurs de la « battue », une chasse à l’homme où les policiers seraient chasseurs, les migrants le gibier.
Un enchaînement de poncifs
Le livre accumule donc toutes les images et les poncifs qui alimentent la pensée politique de militants dont la générosité n’a d’égal que la cécité devant le fait qu’indirectement, par le biais de dégrèvement fiscaux au bénéfice de généreux donateurs, ou directement grâce à l’attribution de subventions ou de marché publics, leurs structures associatives sont de fait soutenues par l’État. On n’échappera donc pas à l’utilisation la plus caricaturale de la pensée de Michel Foucault avec ses mots fétiches. La réalité de Calais c’est le « biopouvoir » et la volonté de l’État, de sa maire, de Calaisiens « néo-nazis », serait de « laisser mourir » les migrants.
La centaine d’emplois que l’État subventionne pour que des associations servent des repas, organisent des douches, proposent des hébergements, loin des côtes et des passeurs, pour toutes ces victimes du chaos du monde, ne correspondrait qu’à la volonté pour lui d’avoir une armée de kapos ayant comme seule consigne de « faire survivre ». L’auteur appelle à ne pas s’y laisser prendre, le réel des millions dépensés par l’État serait de « laisser mourir ». On se demande même si dans ce schéma, l’hôpital de Calais, son service d’urgence, sa permanence d’accès à la santé et aux soins gratuits pour les immigrants qui en ont le besoin ne seraient pas comparables aux antichambres de la mort qu’étaient les revier des camps de concentration. Le vocabulaire distillé suggère, sans cesse, cette comparaison avec le pire, la maltraitance serait « industrielle », les barbelés empêchant l’accès au tunnel sous la Manche seraient comparables à ceux des camps. Et les migrants seraient dépouillés de leurs effets, comme l’étaient les victimes de la barbarie…
Face à tant de désorientation intellectuelle, on ne saurait trop conseiller à Louis Witter de lire ou relire un célèbre livre de Lénine, La maladie infantile du communisme, le gauchisme. Il y fustigeait ceux qui n’arrivaient plus à faire la distinction entre les régimes parlementaires et le fascisme. Était visé en particulier Amedeo Bordiga, pour qui, dès les années 1920, toute démocratie « bourgeoise » n’était qu’un paravent du fascisme. Au moins ce révolutionnaire italien, qui a subi les geôles d’un vrai fascisme, avait l’expérience de sa pensée.
« Il est urgent de remettre de la raison et du débat démocratique dans le traitement des questions de migration »
Tribune du Monde publiée le 27 février 2022
A l’initiative de l’association Désinfox-Migrations, 400 scientifiques, parmi lesquels François Héran, Catherine Wihtol de Wenden et Perin Emel Yavuz, appellent, dans une tribune au « Monde », à une convention citoyenne sur la migration afin de permettre la tenue d’un débat public informé.
Les chercheurs de toutes les disciplines sont d’accord : il n’y a pas de submersion migratoire, les régularisations et les sauvetages en mer n’ont jamais provoqué d’« appel d’air » et le grand remplacement de la population française est un mythe. Sociologues, politistes, économistes, juristes, démographes, géographes, historiens et philosophes sont unanimes sur ces questions. Malgré leurs efforts pour se faire entendre, les scientifiques se désolent de voir les résultats de la recherche ignorés ou détournés dans les débats publics et les discours politiques.
Selon l’ONU, les migrations augmentent dans le monde. Mais, avec 281 millions de migrants internationaux en 2020, ces derniers représentent moins de 4 % de la population mondiale. Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas davantage d’arrivées dans les pays développés ; les flux migratoires vers les pays du Sud global sont équivalents quantitativement.
Classée 77e en 2020 en part d’immigrants dans sa population, la France est loin derrière les pays de la péninsule Arabique, le Luxembourg, la Suisse, le Canada, l’Australie ou encore les Etats-Unis. Pourtant, la France a été une terre d’immigration et elle compte aujourd’hui 10 % d’immigrés, dont une partie de nationalité française. Nous sommes également un pays d’émigration avec 2,5 millions de Français vivant à l’étranger.
Les spécialistes des migrations partagent un constat : les perceptions des phénomènes migratoires sont souvent erronées. Plusieurs études ont démontré que le grand public surévalue le nombre de personnes étrangères par rapport à la réalité des chiffres. En revanche, l’indice de tolérance à l’égard des minorités, établi chaque année par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, nous apprend qu’en France les préjugés reculent et que la tolérance à l’autre gagne du terrain. La politisation à outrance des questions de migration et d’intégration biaise aussi nos représentations. Créer un espace serein et informé de débat démocratique pourrait permettre d’échapper à l’instrumentalisation politique des questions migratoires.
Les citoyens méritent mieux
Une nouvelle loi sur l’asile et l’immigration est en discussion au Parlement dans un contexte d’essoufflement démocratique. Les questions en jeu (régularisation, accès au travail, éloignement, double peine…) sont difficiles à clarifier dans un contexte de compétition entre médias professionnels, réseaux sociaux et sites amateurs dans la production et la diffusion d’informations et d’infox. Les citoyens méritent mieux : ils ont le droit de se faire leur propre opinion et d’exprimer un jugement éclairé, avec l’aide des scientifiques. Une convention citoyenne sur la migration, inspirée de la précédente pour le climat, permettrait d’organiser un débat construit et bien informé sur une question hautement inflammable.
Malgré ses limites, la convention citoyenne pour le climat a montré que les citoyens peuvent prendre des décisions à la fois concrètes, justes et ambitieuses pour la société française. Une convention citoyenne repose sur la montée en compétence des citoyens tirés au sort. Ces derniers écoutent et débattent avec des scientifiques et des experts de la société civile. C’est donc une délibération pluraliste qui permet la prise de décision sur des sujets complexes et sur des questions controversées. Et, comme l’ont relevé des chercheurs, les citoyens démontrent leur capacité à s’emparer d’un sujet complexe, à en maîtriser les enjeux et à faire des propositions éclairées.
Comme pour le climat, il est urgent de remettre de la raison et du débat démocratique dans le traitement des questions de migration, d’intégration ou encore de diversité et d’asile. Davantage qu’un référendum, un débat citoyen a un rôle à jouer pour guider l’action publique. Des initiatives comme le Groupe international d’experts sur les migrations ou des collectifs citoyens comme les Etats généraux des migrations ont déjà amorcé ce travail. Une convention citoyenne permettra d’amplifier ce processus en y associant l’Etat et le Conseil économique, social et environnemental comme le lui permet la loi organique du 15 janvier 2021.
Pour ces raisons, nous, chercheuses et chercheurs, soutenons l’appel de l’association Convention citoyenne sur la migration.
Premiers signataires : Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit public à l’université Lyon-III ; Annabel Desgrées du Loû, directrice de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD) ; François Gemenne, chercheur à l’université de Liège (Belgique) ; Flore Gubert, économiste, directrice de recherche à l’IRD ; François Héran, professeur au Collège de France, directeur de l’Institut Convergences Migrations ; Mirna Safi, professeure à Sciences Po Paris ; Patrick Simon, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques ; Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes ; Tania Racho, chercheuse associée en droit européen à l’université Paris-Saclay, membre de Désinfox-Migrations ; Hélène Thiollet, politiste, chargée de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), administratrice de Désinfox-Migrations ; Jérôme Valette, économiste, maître de conférences à l’université Paris-I ; Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS ; Perin Emel Yavuz, historienne de l’art, présidente de Désinfox-Migrations.
Refugee Legal Support
je m’appelle Francesca Parkes et je suis coordinatrice des activités de l’association Refugee Legal Support (RLS) en France.Sur le littoral, Refugee Legal Support organise des ateliers sur la demande d’asile au Royaume-Uni auprès des personnes concernées afin de répondre aux questions sur la procédure et parler de l’entretien préliminaire à l’arrivée en Angleterre. En outre, RLS organise des visites mensuelles par des avocat.e.s. britanniques afin de proposer des rendez-vous individuels aux personnes intéressées. Au Royaume-Uni, RLS travaille sur le regroupement familial, voici notre annonce ci-dessous. Vous pouvez me contacter sur coordinator.france@refugeelegalsupport.org si vous avez des questions ou en cas de besoin de traduction pour remplir le formulaire.Le projet de regroupement familial depuis l’Europe (FRFE+) de Refugee Legal Support vise à aider les personnes se retrouvant en Europe continental, en Turquie, ou en Libye à faire une demande de regroupement familial pour rejoindre un membre de leur famille basé au Royaume-Uni. Nous nous efforçons de prendre en charge le plus grand nombre de dossiers possible; nous assisterons les clients à faire une demande de financement exceptionnel (dans les cas où l’aide juridictionnelle n’est pas accordée) et de les transmettre à notre partenaire conseil juridique qui prepare les dossiers. Pour les personnes ayant toujours le statut de demandeur d’asile au Royaume-Uni ou les personnes qui se retrouvent en dehors de l’Europe/la Turquie et la Libye, nous ne pourrions pas prendre en charge des dossiers mais nous pouvons offrir des conseils initiaux et orienter vers d’autres organisations si besoin.
Si vous avez un membre de votre famille au Royaume-Uni avec lequel vous souhaitez faire une demande de regroupement, et si vous souhaitez organiser un premier rendez-vous, veuillez remplir et envoyer notre formulaire de recommandation à Ellie Doyle, conseil juridique et coordinatrice de projet, à l’adresse casework.uk@refugeelegalsupport.org. Bien que nous ne soyons pas en mesure de prendre en charge tous les cas, nous répondrons à toutes les demandes de renseignements. Nous sommes dans l’attente de vos demandes.
Le Danemark renonce à sous-traiter les demandes d’asile… pour le moment
Médiapart, Nejma Brahim, 27 janvier 2023
Le Danemark renonce à sous-traiter les demandes d’asile… pour le moment
Alors que le pays avait voté, en juin 2021, une loi visant à délocaliser les exilés présents sur son sol dans un pays tiers, le temps d’y examiner leur demande d’asile, le gouvernement a rétropédalé. Il compte sur une « approche plus large » de l’Union européenne pour s’y aligner.
C’est devenu un sujet récurrent en Europe. L’externalisation des demandes d’asile, c’est-à-dire la possibilité pour un État d’envoyer des personnes en recherche de protection, arrivées sur son sol, dans un pays tiers pour que leur demande y soit traitée, semble avoir le vent en poupe.
Le Royaume-Uni n’a pas tardé, après le Brexit, à chercher à mettre en place un tel système, notamment pour freiner les arrivées de migrants, de plus en plus nombreux à tenter la traversée de la Manche pour rejoindre son territoire.
Dans le même temps, le Danemark a suivi la même logique et voté, en juin 2021, une loi permettant l’externalisation de ses demandes d’asile, tout en assumant de vouloir opter pour une politique « zéro réfugié » – des efforts paraissant risibles dans un pays qui enregistre quelques milliers de demandes d’asile par an et où les réfugié·es représentent seulement 1 % des étrangers obtenant un permis de séjour (les chiffres ont d’ailleurs atteint un niveau historiquement bas en 2022).
Le projet de loi avait été adopté à une forte majorité par le Parlement danois et se voulait, selon le gouvernement social-démocrate de l’époque, « humanitaire », arguant qu’il empêcherait les exilé·es de tenter le « dangereux voyage à travers la Méditerranée pour atteindre l’Europe » et qu’il contrarierait le très lucratif business des passeurs – les mêmes arguments avancés par le Royaume-Uni.

Oui mais voilà. Le Danemark vient de reculer. Son nouveau gouvernement, alliant sociaux-démocrates et libéraux, dit vouloir « maintenir l’ambition » du projet mais souhaite opter pour un « processus différent », rapporte l’AFP. Dans un entretien à Altinget, un quotidien danois, le ministre des migrations, Kaare Dybvad, a exprimé mercredi 25 janvier le souhait de voir naître, « en coopération avec l’Union européenne ou un certain nombre d’autres pays », un centre d’accueil en dehors de l’Europe visant à recevoir les demandeurs d’asile le temps du traitement de leur demande, voire au-delà, une fois leur demande acceptée.
« Si l’approche plus large a également du sens pour nous, c’est précisément parce qu’il y a du mouvement au sein de nombreux pays européens, a déclaré le ministre. Nombreux sont ceux qui commencent à pousser pour obtenir une politique d’asile plus stricte en Europe. » Mais il prévient, un peu plus loin : « Que nous finissions par le faire nous-mêmes parce que l’autre voie s’avère être une impasse est toujours une possibilité. » Tant pis si le projet va à l’encontre du droit international et de la Convention relative aux réfugiés.
Un projet pas si simple
Sans doute le Danemark a-t-il été échaudé, aussi, par la démarche du Royaume-Uni, qui a connu de multiples rebondissements ces derniers mois : alors qu’un avion était prêt à décoller en juin dernier avec à son bord les premiers cobayes de cette externalisation de l’asile, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par des ONG, a cloué l’engin au sol par une décision rendue in extremis.
Celle-ci estimait que les autorités britanniques devaient d’abord garantir des procédures « équitables et efficaces » aux demandeurs d’asile qui seraient expédiés au Rwanda, pays avec lequel le Royaume-Uni a signé un accord en avril 2022 pour mettre en place son « plan », et s’assurer que le pays pouvait être considéré comme « sûr ».
« Depuis 2015 en particulier, la protection des frontières prime sur la protection des personnes. Les États européens ne veulent plus accueillir »
Dans le même temps, la justice britannique, qui devait se prononcer sur la légalité du projet, a validé en décembre l’accord (informel) signé par Londres et Kigali, jugeant qu’il était « légal » de « mettre en place des dispositions pour envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda et que leur demande d’asile soit examinée au Rwanda plutôt qu’au Royaume-Uni », faisant bondir les associations. Le Haut-Commissariat aux réfugiés avait souligné, dans la foulée, que l’accord contrevenait aux obligations internationales du Royaume-Uni. Depuis, aucun avion n’a décollé en direction de Kigali.
Le Rwanda faisait aussi partie des pays plébiscités par le Danemark pour la mise en place de l’externalisation de ses demandes d’asile, et ce malgré sa triste réputation en matière de respect des droits humains. Au quotidien Altinget, le ministre des migrations danois a assuré que son pays n’était plus en négociation avec les autorités rwandaises pour la création d’un centre visant à accueillir des demandeurs d’asile sur place.
Comme le rappelait Brigitte Espuche, spécialiste de l’externalisation et co-coordinatrice du réseau Migreurop, le Danemark avait déjà envisagé de sous-traiter ses demandes d’asile à la fin des années 80. « Et c’est parce que ces velléités sont profondes qu’elles se donnent à voir aujourd’hui. Entre-temps, des digues se sont rompues. Depuis 2015 en particulier, la protection des frontières prime sur la protection des personnes. Les États européens ne veulent plus accueillir », analysait-elle dans un entretien sur Mediapart.
Si le Danemark espère aujourd’hui voir l’Union européenne poser la première pierre, c’est donc aussi parce que l’idée a eu le temps de cheminer, d’année en année, avec le concours de l’extrême droite, qui estime que les exilé·es doivent faire leur demande d’asile (ou demander un visa humanitaire en vue de faire une demande d’asile dans un pays européen ensuite) depuis leur pays d’origine, ignorant les situations de conflits, de guerre, de persécutions ou de menaces de mort qui, de fait, ne permettent pas de se lancer dans de telles démarches.
Éloigner pour mieux fermer les yeux
L’UE s’oriente ainsi de plus en plus vers l’externalisation de l’asile : le pacte européen sur l’asile et la migration, lancé en septembre 2020 par la Commission européenne, et qui peine à avancer, envisageait d’extraterritorialiser les demandes d’asile dans des pays tiers ou d’instaurer l’examen des demandes aux frontières européennes.
L’UE a aussi missionné les autorités libyennes, sans beaucoup de scrupules, pour qu’elles gèrent le contrôle aux frontières de l’Europe en Méditerranée centrale, et participé au financement et à la formation des gardes-côtes libyens, qui chaque jour interceptent des embarcations en mer pour les refouler vers la Libye, un pays pourtant loin d’être considéré comme « sûr ».
Ces velléités en matière d’externalisation montrent, une fois de plus, comment l’Europe cherche à se voiler la face en tentant de contenir les migrations. Enfermée dans une politique du chiffre et des injonctions venant de la droite et de l’extrême droite (dans l’entretien donné à Altinget, le ministre des migrations danois admet lui-même craindre une montée des partis d’extrême droite si la « pression de l’asile » se fait trop sentir), l’UE estime sans doute, à tort, que l’idée d’empêcher à tout prix les exilé·es de fouler le sol européen contribuera à réduire les mouvements de population en direction de l’Europe et dissuadera, avec le temps, d’autres personnes d’emprunter les chemins de l’exil.
C’est nier la réalité de notre monde, à l’heure où les conflits font rage, où la crise climatique détruit l’environnement de nombreuses populations et où la misère ne cesse de gagner du terrain. Celles-ci se mettront davantage en danger pour contourner les politiques migratoires de plus en plus restrictives et répressives. Les morts aux frontières, déjà invisibilisées, pourraient donc s’intensifier.
à l’Ofpra, les troublantes questions sur «l’occidentalisation» des demandeurs d’asile afghans
«Page TikTok», rencontres «avec des femmes en France» : à l’Ofpra, les troublantes questions sur «l’occidentalisation» des demandeurs d’asile afghans
«Vous faites quoi sur votre portable ?», «Vous aimeriez faire des rencontres avec d’autres femmes ici ?»… Pour espérer obtenir le statut de réfugié, les exilés afghans sont régulièrement interrogés sur leur adhésion à de supposées valeurs françaises. A l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’embarras est visible.
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Mais rapidement, l’entretien, dont Libération a pu lire le compte rendu, prend une drôle de tournure. Plutôt que de s’attarder sur la nature des menaces reçues, l’officier de protection semble interroger Y.M. sur l’adéquation de son mode de vie avec de supposées valeurs françaises. «Vous ne voulez pas vous créer une page TikTok ?», «vous postez sur Facebook ?», «vous regardez quoi sur YouTube ?», «vous faites quoi […] sur votre portable ?» interroge-t-il. Il s’attarde aussi sur la question religieuse : «Votre mère, votre femme, votre fille, […] est-ce qu’elles pourraient sortir seules ou travailler, sans porter le voile par exemple ?» ; «Les talibans vont obliger quasiment toutes les femmes à porter la burqa, qu’en pensez-vous ?» Réponse : «Je suis totalement contre, ils privent les femmes de leur liberté.» L’entretien se poursuit : «Vous aimeriez bien faire des rencontres avec d’autres femmes ici ?» ou encore «Par rapport à votre femme, vous en pensez quoi de faire des rencontres ici ?» Retranscription des mots de Y.M. : «Je peux le cacher (il rit).»
En septembre, l’Ofpra lui communique sa décision par courrier : «La demande d’asile est rejetée.» Dans le motif invoqué, il est précisé que «s’agissant des accusations émises à son égard par un groupe de talibans de sa localité, ses déclarations se sont révélées sommaires». Depuis, Y.M. et les membres de la Cimade qui l’accompagnent à Béziers s’interrogent : l’Afghan n’était-il pas assez «occidentalisé» aux yeux de l’Ofpra pour bénéficier de l’asile en France ? Ou ses réponses ont-elles été trop succinctes pour convaincre l’officier ?
«Prouver qu’ils sont motivés à vivre en France»
Cette décision semble d’autant plus injuste qu’elle le condamne à une vie d’errance dans l’illégalité : la France n’expulse pas les Afghans, faute d’accord diplomatique avec les talibans. Pour des raisons incompréhensibles, les autorités continuent d’ailleurs de prononcer des mesures d’éloignement à l’encontre de ces ressortissants. «L’Ofpra et la Cour nationale du droit d’asile [la CNDA, qui étudie les recours, ndlr] ont très vite considéré après la prise de pouvoir des talibans qu’il n’y avait plus de guerre en Afghanistan. De ce fait, certaines personnes n’avaient, selon eux, plus besoin de protection, alors que les rapports disent le contraire», regrette Héloïse Cabot, avocate et membre du Gisti, une association spécialisée dans la défense des étrangers.
Certains sont déboutés, et le nombre de protections subsidiaires (1) attribuées aux Afghans a considérablement baissé – elle concernait environ 90 % des ressortissants protégés en 2020 contre moins de 1 % en 2022 – car ils ne répondent plus aux conditions d’attribution en cas de «conflit armé». Pourtant, nombre d’entre eux continuent d’affluer en France : en 2022, l’Afghanistan représentait la première nationalité d’origine des demandes d’asile auprès de l’Ofpra, avec 22 570 dossiers sur 137 046, une augmentation de 40,1 % par rapport à 2021. Face à l’évolution des conditions d’accès à la protection, pour partie conséquence du contexte politique tendu autour de l’immigration, «c’est désormais à eux de prouver pendant les entretiens qu’ils sont motivés à vivre en France», regrette une avocate qui défend nombre de ces ressortissants et a souhaité rester anonyme.
Depuis la prise de Kaboul par les talibans le 15 août 2021, les avocats ont souvent invoqué «l’occidentalisation» de certains Afghans, qui leur ferait courir un risque en cas de retour au pays. Des études menées par l’anthropologue allemande Friederike Stahlmann soulignent en effet que «les Afghans rapatriés d’Occident sont également identifiés par des inconnus comme “occidentalisés”, et sont menacés ou attaqués, car ils sont considérés comme des traîtres ou des infidèles». «Ces rapports permettaient jusque-là, dans certains cas, d’obtenir la protection d’Afghans en France et donc de leur éviter une vie d’extrême précarité», explique l’avocate précédemment citée.
«Valeurs subjectives»
A la CNDA, le cas d’un homme a même fait jurisprudence en septembre 2021. Il craignait d’être menacé en cas de retour en raison «du profil “occidentalisé” qui peut lui être imputé», peut-on lire dans le compte rendu de décision. Les juges lui ont accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. «C’est un moyen de faire entrer dans la convention de Genève des personnes qui ont un profil un peu spécifique», estime un magistrat, sous couvert d’anonymat. Le critère de «l’occidentalisation» reste néanmoins très subjectif et à l’appréciation des juges et des officiers de protection. «A partir d’août 2022, quand l’émotion du retour des talibans au pouvoir est retombée, on a eu moitié moins de cas de personnes protégées sur le fondement du critère de l’occidentalisation. On constate un fort aléa qui conduit à des résultats contraires selon la formation de jugement qui tranche à la CNDA», affirme Férielle Kati, avocate.
Cette évolution récente pourrait donc expliquer les questions posées à Y.M. sur son mode de vie. «Mais cette notion d’occidentalisation, il ne faudrait pas la retourner. Il ne faudrait pas s’en servir pour ne pas protéger ceux qui vont à la mosquée, par exemple», prévient le professeur de droit à l’université Paris-Saclay Thibaut Fleury Graff.
Du côté de la Cimade, qui accompagne Y.M., c’est ce que l’on craint désormais. Selon Daniel Martin, membre de l’antenne biterroise de l’association, le critère peut être désormais utilisé à charge pour questionner l’intégration à travers des «valeurs subjectives». «C’est ce qui commence a commencé à poindre, de la même manière que l’Ofpra fait systématiquement des vérifications sécuritaires auprès du ministère de l’Intérieur à chaque demande d’asile, ce qui n’était pas le cas auparavant», regrette le responsable de la thématique asile à la Cimade, Gérard Sadik. Ce que l’on réfute du côté de l’Ofpra. «Nous n’avons pas pour rôle de rechercher si les personnes sont intégrées, ce n’est pas notre mission, précise le directeur général de l’établissement public, Julien Boucher. Mais il s’agit de rechercher si l’exercice d’un certain nombre de droits et libertés, impossible sous le régime taliban, revêt dans la vie du demandeur d’asile une importance telle qu’il ne pourrait y renoncer, ou si son parcours l’expose objectivement à des persécutions en cas de retour. Nous n’avons pas de questionnaire prédéfini, l’entretien suppose une forme de dialogue.» Une façon d’assurer que les questions sur TikTok et la pratique religieuse ne sont pas systématiques, mais qu’elles peuvent être posées dans certains cas.
Un terme «réducteur et attrape-tout», selon le patron de l’Ofpra
La jeune Khatira est pourtant un exemple de cette dérive. En 2021, l’adolescente – alors âgée de 14 ans – fuit avec ses parents un mariage forcé qui l’attend en Afghanistan pour s’installer en France. La demande d’asile de la jeune fille est rejetée. La raison est écrite noir sur blanc : la famille n’est pas assez «occidentalisée», selon la CNDA. Dans sa décision, la cour demande même à la famille d’«apporter les éléments de son occidentalisation». «Ce critère n’est pas du tout objectif, clair, défini», regrette Férielle Kati, qui est aussi l’avocate de la famille. «C’était ahurissant», se souvient Mounir Satouri, eurodéputé EE-LV qui avait invité l’adolescente au Parlement à Strasbourg pour médiatiser son cas. «Quand je l’ai rencontrée, nous avons déjeuné au restaurant : elle mangeait avec sa fourchette et son couteau, elle s’est assise sur une chaise, elle n’a pas demandé à s’asseoir par terre, elle est comme n’importe quel enfant de son âge», ironise-t-il, estimant que «l’argument est tellement caricatural qu’il n’y a pas d’autre manière d’y répondre». «C’est tendancieux de conditionner une protection à une occidentalisation. Il y a un arrière-fond d’islamophobie. Si l’on suit ce raisonnement, quelqu’un qui irait à la mosquée, porterait le voile ou ne consulterait pas les réseaux sociaux ne serait pas occidentalisé», fulmine Daniel Martin.
Ces cas embarrassent désormais les magistrats, avocats, associations, ainsi que les demandeurs d’asile eux-mêmes, car ils demandent de définir ce qu’est une personne occidentalisée, selon des critères soumis à interprétation. «Je prends mes distances avec ce terme que je place entre guillemets parce qu’il est réducteur et attrape-tout», estime le patron de l’Ofpra – qui a pris soin de ne jamais l’utiliser lors de notre entretien. «Ce sont des dossiers assez difficiles à traiter», reconnaît un juge à la CNDA sous couvert d’anonymat. «Pour être considéré comme “occidentalisé”, il faut cocher beaucoup de cases. On va attendre de la personne qu’elle parle français, qu’elle déclare qu’elle écoute de la musique occidentale, qu’elle rejette les traditions afghanes. Il y a un élément objectif qui entre en ligne de compte, c’est la durée de vie sur le territoire français. Mais ça peut mettre mal à l’aise, en effet, car ce n’est pas parce que vous allez à la mosquée que vous n’êtes pas occidentalisé. Et ce n’est pas parce que vous allez à l’église que vous l’êtes…» poursuit-il.
Selon l’avocate interrogée, cette notion sert désormais autant qu’elle dessert. Et elle «ouvre à des thèses du type assimilation qu’on avait plutôt l’habitude de voir en préfecture». Depuis, Khatira et ses parents ont obtenu le statut de réfugiés lors du réexamen de leur demande. Y.M. a, lui, déposé un recours auprès de la CNDA où il sera peut-être à nouveau questionné… sur son «occidentalisation».
(1) La protection subsidiaire bénéficie à une personne qui ne remplit pas les conditions d’obtention du statut de réfugié, mais qui prouve qu’elle est exposée dans son pays d’origine à la peine de mort, à une exécution ou à une menace en raison d’un conflit armé.
Le projet Channel Info Project
Bonjour à touxtes,
Nous voulions vous donner une mise à jour concernant le projet Channel Info Project. Suite à la fin de notre période de transition réussie avec l’Auberge des Migrants, nous sommes maintenant un des projets de l’Auberge.
Nous remercions toutes celles et ceux qui ont pris le temps de nous rencontrer au mois de novembre et qui nous ont fait part de leurs commentaires sur les services officiellement gérés par Refugee Info Bus, ainsi que de leurs réflexions sur les lacunes existantes en matière d’information et les priorités pour l’avenir.
Nous avons pris en compte tous vos commentaires, ainsi que ceux des utilisateurs des services, des organisations partenaires , des anciens bénévoles et des organisations travaillant sur l’information dans d’autres contextes frontaliers, qui, ensemble, ont alimenté notre nouveau projet.
Calendrier pour février/mars 2023 :
- Les lundis et mercredis – 13h30 – 17h00 – Point info au Secours Catholique.
- Mercredi – 16:30 -18:00 – Stand d’information à la distribution du centre–ville de RCK
- Jeudi – 10:00 – 12:30 – Session de recharge, Rue de Judée (recharge de téléphone, WiFi et informations)
- Jeudi – 15:00 – 16:30 – Atelier sur l’asile au Royaume-Uni au Secours Catholique en partenariat avec RLS (Anglais, arabe et français, autres langues sur demande)
Nous pouvons répondre aux questions sur les services à Calais et Grande-Synthe, orienter les personnes vers d’autres organisations et répondre aux questions de base sur l’asile au Royaume-Uni et en France. Notre équipe essaie de rester aussi à jour que possible sur l’évolution des politiques d’asile des deux côtés de la Manche. N’hésitez pas à rediriger les personnes avec des questions vers nos points d’information et nos sessions, nous pouvons également orienter vers une aide et des ressources jurdiques si nécessaire.
En outre, nous pouvons confirmer la continuation des services suivants :
- Guides des nouveaux arrivants (NAG) :
- continueront à être publiés chaque mois.
- Merci de continuer à les consulter et nous faire part de tout changement de calendrier ou de service.
- Formation orientation et référencement (formation NAG) :
- Introduction aux guides des nouveaux arrivants (NAG), présentation des organisations de Calais et de leur fonctionnement, et comment effectuer un bon référencement.
- Anglais et français, une fois toutes les deux semaines. Les dates des prochaines formations sont généralement communiquées sur le groupe WhatsApp de Calais Distro Dynamics.
- Ressources d’information :
-
- Production de documents d’information relatifs aux services à Calais, aux procédures d’asile en France et au Royaume-Uni et aux mises à jour du plan Rwanda pour les personnes exilées, en collaboration avec les partenaires d’information concernés.
- N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions ou des idées sur les ressources nécessaires.
- Traductions :
- Nous travaillons avec une équipe de traducteur.rice.s à distance, rémunéré.e.s ou bénévoles. Veuillez envoyer un courriel à channelinfoproject@laubergedesmigrants.fr si vous avez besoin d’aide pour des documents écrits, des affiches ou des annonces.
- Nous avons la capacité de faire des traductions en : arabe, pashto, dari/farsi, tigrinya, allemand, amharique, oromo, sorani, urdu, albanais et turc. Nous proposerons bientôt aussi des traductions en hindi.
-
- La langue de base pour la traduction est l’anglais – veuillez envoyer votre demande sous forme de document google en anglais si possible. Si vous avez besoin d’aide pour traduire du français vers l’anglais, faites-le nous savoir et nous ferons de notre mieux pour vous aider.
- Crédit téléphonique et câbles de recharge :
- Du crédit téléphonique Lyca FR et des câbles téléphoniques peuvent être demandés via Collective Aid. Veuillez vous référer à leur calendrier de distribution.
- Boîtes de batterie :
- Actuellement uniquement à BMX. Les boîtiers de batterie en bois permettent un accès autonome à l’électricité 24h/24.
Nous nous réjouissons d’accueillir 3 nouveaux membres de l’équipe en mars et nous réviserons notre calendrier et nos priorités en fonction de notre capacité à la fin du mois de mars !
Merci à toutes et tous pour votre soutien continu. N’hésitez pas à nous envoyer un message si vous avez des questions.
Avec solidarité et courage,
L’équipe du CHIP
Dear All,
We wanted to provide an update regarding Channel Info Project. Following the successful completion of our transition period with l’Auberge des Migrants we have now fully transitioned to being one of the Auberge’s projects.
Thank you to everyone who took the time to meet with us during November and shared your feedback on the services that were formally run by Refugee Info Bus, as well as your thoughts on the existing information gaps and priorities moving forwards.
We reviewed all of your feedback, as well as feedback from service users, information partners, former volunteers, and organisations working on information in other border contexts, which together has informed our new project.
Schedule for February/ March 2023:
- Mondays & Wednesdays – 13:30 – 17:00 – Info point at Secours Catholique
- Wednesdays – 16:30 –18:00 – Info stand at RCK city centre distro
- Thursdays – 10:00 – 12:30 – Charging session, Rue de Judee (phone charging, WiFi and information)
- Thursdays – 15:00 – 16:30 – UK Asylum Workshop at Secours Catholique in partnership with RLS. (English, arabic en french, other languages on request)
We can answer questions about services in Calais and Grande-Synthe, refer people to other organisation and answer basic questions about asylum in the UK and France. Our team tries to stay as updated as possible with the evolution of asylum policies on both sides of the channel. Don’t hesitate to redirect people with questions to our info points and sessions, we can also redirect them to legal help and resources if needed.
Additionally, we can confirm the relaunch/continuation of the following services:
- New Arrival Guides (NAG’s)
- Will continue to be published each month. Please continue to review these and let us know of any changes to your schedule/services.
- Referral (NAG) training
- Introduction to the New Arrival Guides, overview of organisations in Calais and how they work, and how to make a good referral.
-
- English & French, once every two weeks. Dates for upcoming trainings are normally shared on the Calais Distro Dynamics WhatsApp group.
- Information resources
- Production of information documents related to services in Calais, asylum procedures in France, asylum procedures in the UK and updates on the Rwanda Scheme for people on the move, in collaboration with relevant information partners.
- Please reach out if you have any questions or ideas for resources needed.
- Translation
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- We work with a team of remote paid/volunteer translators. Please email channelinfoproject@laubergedesmigrants.fr if you need any support with written documents/posters/announcements.
- Arabic, Pashto, Dari/Farsi, Tigrinya, German, Amharic, Oromo, Sorani, Urdu, Albanian and Turkish. We will soon also offer Hindi.
- The base language for translation is English – please send your request as a google doc in English where possible. If you need support translating from French to English let us know and we will do our best to support.
- Phone credit and charging cables
- Lyca FR phone credit and phone cables can be requested via Collective Aid. Please refer to their distro schedule.
- Battery boxes:
- Currently only in BMX. Wooden battery boxes provide autonomous 24hour access to electricity.
We are looking forward to welcoming three new team members in March and will review our schedule and priorities based on our expanded capacity at the end of March!
Thank you all for ongoing support. Please feel free to send us a message if you have any questions.
All the best,
CHIP
Intensification de la violence à la frontière franco-britannique
Communique de presse : Intensification de la violence à la frontière franco-britannique
La semaine dernière, Calais a été une nouvelle fois le théâtre d’une violente répression à l’encontre des personnes exilées. Malgré les déclarations du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin qui assurait le 29 novembre 2021 que les tentes des personnes exilées ne seraient plus lacérées, la réalité du terrain est toute autre. De plus, Human Right Observers a observé une augmentation des arrestations de personnes exilées par la Police aux Frontières, dont l’arrestation d’une personne mineure. Dont au moins un cas de violences policières a également eu lieu.
Le 12/02, des agents de la société APC, une société de nettoyage mandatée par l’État, ont lacéré1 une tente lors d’une opération d’expulsions. Le 14/02, une personne exilée a été arbitrairement arrêtée et enfermée par des agents de la police nationale dans un fourgon aux cellules étroites2. Le 15/02, une personne mineure étrangère assise seule devant la gare de Calais-Ville a été encerclée par des agents de la Police aux frontières, contrôlée et arrêtée arbitrairement. Lorsque des membres HRO ont posé des questions quant à la légalité de l’arrestation d’une personne mineure, un des agents de la Police aux frontière à répondu “ils ont tous 17 ans”.
Dans la nuit du 16/02 au 17/02, des personnes exilées ont été réveillées à plusieurs reprises par des policiers, leurs affaires ont été volées et deux d’entre elles ont été victimes des violence de la police, armée de matraque. À Calais, les cas de violences policières à l’encontre des personnes exilées sont récurrents et restent généralement impunis comme en témoigne le cas de violences policières du 23 août 20223. Nous dénonçons cette impunité et appelons les autorités compétentes à prendre des mesures nécessaires afin que le même scénario ne se reproduise plus et que les responsables du cas de violences policières du 17 février soient retrouvés et punis par la loi. Nous tenons à rappeler que tout recours à la force dépassant le seuil autorisée par la loi est susceptible de constituer un traitement inhumain et dégradant prohibé par le droit international et français.
Tous ces événements ne sont que la suite logique de la politique menée à la frontière depuis maintenant 30 ans. Une politique violente qui transparaît dans les vols et destructions institutionnalisés d’effets personnels des personnes exilées. Une politique violente qui transparaît également dans les contrôles d’identités et arrestations arbitraires qui font peser sur les personnes exilées un sentiment d’insécurité permanent avec le risque d’être arrêté et expulsé du territoire français à tout moment. Nous espérons la fin des opérations d’expulsions et demandons à l’État français d’agir et de mettre fin aux violences policières qui constituent une menace pour l’État de droit.
1 Nous tenons à rappeler que conformément aux articles 322-1 et suivants du Code pénal toute destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui constitue un délit aggravé quand elles sont commises par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice (5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende).
2 https://twitter.com/HumanRightsObs/status/1625922570632429577?s=20
3 Dans la nuit du 22 au 23 août 2022, deux personnes exilées âgées de 18 ans ont été victimes de violences commises par des agents de la Compagnie Républicaine de Sécurité en mission à Calais. Suite à cela Human Rights Observers et Utopia 56 ont décidé de soumettre un signalement auprès du Procureur de Boulogne-Sur-Mer afin qu’une enquête soit ouverte et que les auteurs de ces violences soient traduits en justice. L’affaire a été très rapidement saisie par l ’inspection générale de la police nationale. Toutefois, en décembre 2022, l’affaire a été classée sans suite par le procureur en dépit de nombreux éléments de preuve recueillis: le témoignage des personnes agressées, un certificat médical attestant la violence ainsi qu’un signalement en interne.
Chypre, un cul-de-sac pour les personnes en quête d’asile en Europe
Le Monde, 22/02/2023, par Marie Jégo (Nicosie, envoyée spéciale)
Le plus souvent arrivés par la partie nord de l’île, uniquement reconnue par la Turquie, les migrants déposent des demandes d’asile auprès de la République de Chypre, dans l’espoir de pouvoir poursuivre leur route dans l’Union européenne. Selon Nicosie, les demandeurs d’asile représenteraient aujourd’hui 6 % de la population
La vieille ville de Nicosie, ses entrelacs de ruelles, sa muraille vénitienne aux pierres couleur de miel, n’ont plus beaucoup d’attrait pour Mahmut S., un jeune réfugié syrien originaire de Damas qui s’y morfond depuis plus de trois ans dans l’attente d’une réponse à sa demande d’asile. « J’ai déposé ma demande dès mon arrivée, à la mi-septembre 2019. Depuis, plus rien, pas le moindre signe de la part de l’administration, déplore cet ingénieur informaticien, rongé par l’incertitude. Combien de temps vais-je rester ici sans avenir ? Le mieux que je puisse espérer, c’est un petit boulot non déclaré dans un café, une épicerie ou chez un laveur de voitures. Des milliers d’autres Syriens sont comme moi… »
Les services chypriotes compétents sont débordés, l’asile est accordé au compte-gouttes, 568 en 2022 pour 21 565 demandes enregistrées. Les dossiers non traités s’accumulent : 29 715 demandes faites sur plusieurs années étaient toujours pendantes en décembre 2022, tandis que 6 805 requérants attendaient une décision en appel, selon l’antenne du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) à Nicosie. « Je connais des Syriens qui attendent leur statut depuis cinq ans. Le manque de personnel est indéniable, mais il y a aussi un manque de volonté politique de la part des autorités », dénonce un fonctionnaire international sous le couvert de l’anonymat.
Le sujet est pourtant brûlant pour le nouveau chef de l’Etat chypriote, Nikos Christodoulides, qui, sitôt élu le 12 février, a promis un traitement plus rapide des demandes d’asile. Freiner l’immigration clandestine est une préoccupation majeure de la population chypriote, ce thème était d’ailleurs omniprésent pendant la campagne électorale.
A Nicosie, les commerçants ne voient pas toujours d’un bon œil la présence des nouveaux venus, en majorité des hommes jeunes. Syriens, Pakistanais, Afghans, Nigérians, Congolais (RDC), Camerounais battent le pavé, regardent leurs portables, palabrent en petits groupes dans les rues de la vieille ville.
Silhouettes fantomatiques, casquettes ou capuches sur la tête, ils sont visibles à la gare routière, sur la place Eleftheria (de la Liberté), autour des locaux de l’association Caritas, non loin de la porte de Paphos. « Ils sont bruyants, ils jettent leurs détritus par terre, ils ne nous apportent que des problèmes », se plaint un vendeur de prêt-à-porter de la rue Ledra, la grande artère commerçante de Nicosie, après avoir demandé à trois jeunes Africains plantés devant sa vitrine d’aller bavarder plus loin.
Divisés par une zone tampon
Chypre détient actuellement le deuxième plus haut taux de demandeurs d’asile de l’Union européenne (UE) par rapport à sa population, juste derrière l’Autriche. Selon les autorités chypriotes, 6 % des 915 000 habitants du sud de l’île sont des requérants. Les demandes se sont accrues en 2022, avec 21 565 dossiers déposés contre 13 235 l’année précédente (chiffres du HCR).
« Autrefois, les migrants étaient surtout des Syriens, des Irakiens, des Bangladais. Mais depuis 2020 on assiste à une explosion de la migration africaine : Nigérians, Congolais, Camerounais. Le plus souvent, ils viennent par le nord de l’île », confie un diplomate occidental.
Le fait que la République de Chypre n’exerce son autorité que sur la partie sud de l’île, où vivent les Chypriotes grecs, sans avoir aucun contrôle sur la partie nord, non reconnue internationalement, peuplée par les Chypriotes turcs, aggrave le problème. Les deux côtés sont divisés par une zone tampon, la « ligne verte » qui n’est pas une frontière mais une ancienne ligne de cessez-le-feu. Gardée par l’ONU à des fins de maintien de la paix, elle est poreuse. C’est en fait par ce no man’s land, et non par la mer, qu’arrivent les deux tiers des candidats à l’asile enregistrés à Chypre, selon les services locaux de l’immigration. Se faufiler par les nombreuses brèches non surveillées n’est apparemment pas très difficile.
C’est la voie que Mahmut a empruntée lorsqu’il est arrivé dans le Sud il y a un peu plus de trois ans. « J’étais étudiant là-bas [dans la partie nord de Nicosie], inscrit à l’Université du Proche-Orient, témoigne-t-il. Une fois mon diplôme en poche, que faire ? Rentrer en Syrie et être enrôlé dans l’armée ? Je craignais pour ma sécurité, pas mal de mes proches ont été kidnappés, tués au cours de la guerre. J’ai décidé de tenter ma chance au sud. »
Ces dernières années, la République turque de Chypre-Nord (RTCN), sous embargo international, reconnue uniquement par la Turquie, a considérablement développé son secteur éducatif, devenu une manne pour le budget. Dix-huit universités, privées pour la plupart, proposent à des étudiants étrangers un enseignement en anglais dans un cadre de rêve. Dotés de campus verdoyants, de locaux modernes, ces établissements accueillent beaucoup d’étudiants africains susceptibles de pouvoir assumer les frais d’inscription (de 3 000 à 5 000 euros).
« A minima, les Turcs laissent faire »
« L’inscription dans une université de la partie nord fait office de visa. Les étudiants arrivent à Istanbul, puis à Ercan [l’aéroport au nord]. Beaucoup croient alors être arrivés en Europe. D’une façon ou d’une autre, ils se débrouillent ensuite pour passer au sud et là, c’est le cul-de-sac, car Chypre ne fait pas partie de l’espace Schengen », raconte le diplomate. Sur 108 588 étudiants étrangers enregistrés dans le Nord pour l’année scolaire 2021-2022 – ce qui représente un tiers de la population totale de la RTCN –, on estime qu’environ 15 000 ne se sont jamais présentés aux examens. Ils ont pris la tangente vers le Sud, aidés par des passeurs pour franchir la ligne verte.
Les Chypriotes grecs blâment la Turquie pour ces entrées illégales, perçues par les médias ultranationalistes locaux comme une tentative de modifier l’équilibre démographique au sud. « A minima, les Turcs laissent faire… », note le diplomate. Les autorités de la partie nord ont conscience du problème. « Nous devons rassembler nos efforts et lutter ensemble contre l’immigration illégale. Le trafic d’être humain est très organisé, or il nous faut aller à la racine de ce mal », explique Ergün Olgun, le conseiller diplomatique d’Ersin Tatar, le président de la RTCN.
Pour le moment, la question du trafic n’est pas à l’ordre du jour entre le Sud et le Nord, pas plus que celle de la réunification de l’île, actuellement au point mort. A tout le moins, Chypriotes turcs et Chypriotes grecs travaillent par l’intermédiaire de « comités techniques » à la création d’une usine de panneaux solaires et d’un centre de traitement des eaux usées au sein de la zone tampon. L’immigration clandestine n’est pas de leur ressort.
Alarmées par la porosité de la ligne verte, les autorités de Chypre ont renforcé la surveillance en 2021, ordonnant le déploiement de rouleaux de barbelés supplémentaires, ce qui a mécontenté les agriculteurs et les « pro-solution », prompts à déplorer la tentation des politiques de part et d’autre de renforcer le statu quo. « Il y a zéro dialogue à ce sujet entre les deux parties. Il semble que la criminalité s’organise très bien de façon bicommunautaire », raille le fonctionnaire international.
Marie Jégo(Nicosie, envoyée spéciale)